Au terme d’une négociation, le diable se cache dans les détails

Au terme d’une négociation, il est préférable d’être aussi précis que possible sur les postes de l’accord, leur faisabilité et sur leur rédaction. En sus, prévoir un processus d’ajustement permet encore de s’entendre, si nécessaire, sur les divergences de vue lors de sa mise en oeuvre.Au terme d’une négociation, il est préférable d’être aussi précis que possible sur les postes de l’accord, leur faisabilité et sur leur rédaction. En sus, prévoir un processus d’ajustement permet encore de s’entendre, si nécessaire, sur les divergences de vue lors de sa mise en oeuvre.

Fin février 2010, Carrefour annonçait la fermeture en Belgique de 21 magasins sur 630 et le licenciement de 1672 personnes sur les 15000 qui y sont employées. Les résultats de ce groupe international – 15500 magasins dans 32 pays occupant 495000 salariés – sont en chute et cette décision fait suite au recul de ses ventes chez nous, à la volonté de retrouver une rentabilité.

Quasi en même temps que cette annonce, le groupe Mestdagh – structure détenue à 25 % par Carrefour – a été mentionné comme repreneur potentiel de tout ou partie des magasins visés par ce projet de fermeture.

Des grèves ont eu lieu dans différentes entités du groupe Carrefour et, au terme de plusieurs mois de discussion, un projet de protocole d’accord a été conclu entre les parties : 1900 emplois supprimés, 700 repris par Mestdagh, fermeture de 32 magasins dont 16 repris par le groupe Mestdagh.

Les différents niveaux négociations

Les négociations se sont déroulées à plusieurs niveaux : Carrefour / organisations syndicales pour la restructuration et, dans le même temps, Carrefour / Mestdagh pour la reprise de 16 magasins au final qui seront logés dans une entité séparée nommée Sixteen (16). Cette reprise fait évoluer l’activité du groupe Mestdagh (enseigne Champion) de 69 supermarchés à 85, l’effectif de 2200 personnes à 2900 et le CA de 500 millions d’euros à 740.

Après 12 semaines d’actions et d’âpres discussions avec Carrefour, la négociation entre les organisations syndicales et Metsdagh sur les conditions de cette reprise – pour l’essentiel, l’évolution du personnel repris du statut « Carrefour » au statut « Champion » – a donc eu lieu dans un deuxième temps.

… et spécifiquement, ce qui concerne 16 …

Si l’entreprise Mestdagh, et plus particulièrement ses dirigeants, furent présentés dans les médias comme des « sauveurs » d’emplois, concrètement, pour le personnel repris, les conditions de travail seront in fine nettement moins favorables que chez Carrefour. Il s’agit d’une réduction de revenus de l’ordre de 20 % pour des salaires qui sont déjà bas.

L’usure et la fatigue des premiers débats explique probablement le fait, ou à tout le moins partiellement, que le protocole d’accord qui en a découlé n’ait pas été suffisamment affiné. En effet, il fixe un cadre général qui détermine à la fois l’emploi minimum garanti, les salaires à la reprise ainsi que, à terme, les modalités d’harmonisation de ceux-ci avec les salaires pratiqués chez Champion et l’organisation du travail.

Qu’est-ce qui a posé problème avec quelles conséquences?

Au 01/10/10, la reprise des magasins et d’une partie du personnel a eu lieu et, avant la fin de l’année 2010, des crispations générées par les lectures différentes de l’accord social se sont inévitablement présentées entre l’employeur et les organisations syndicales. En effet, le protocole du 02/07/10 prête à interprétations et ne répond pas aux questions plus complexes du quotidien de chaque travailleur, anciennement engagés chez Carrefour, dont, par exemple : la méthode de calcul des sursalaires, les congés, les primes et autres avantages, etc.

Des lacunes dans l’échange d’informations préalables entre Carrefour et Mestadgh sur les composantes des conditions de rémunération au sens large et le manque de précisions dans les textes – dont toutes les parties signataires portent, à des degrés divers, la responsabilité -, ont obligé les interlocuteurs à se remettre autour de la table pour préciser le contenu de l’accord initial et, voilà peu, au bout de plus de 6 mois de nouvelles négociations, un nouvel accord est enfin intervenu. Les organisations syndicales ainsi que les travailleurs en attendent la concrétisation.

Ces éléments, et l’impact financier pour les travailleurs, ajoutés au fait que la structure du groupe Mestdagh a dû s’adapter pour intégrer cette reprise, constituent un environnement favorable à la  déception, la démotivation, l’incompréhension des membres du personnel repris.

Instaurer et préserver la confiance

Soyons clair, chacun fait bien sûr ce qu’il peut, y compris les auteurs du présent article, et il existe par ailleurs des adeptes de conventions au contenu flou qui permettrait à chacun de s’y retrouver.

Cela étant, dans ce type de démarche, les imprécisions d’aujourd’hui constituent des germes de dissensions futures. Pour les limiter, plusieurs possibilités sont à la disposition des intervenants :

  • être aussi précis que possible dans la rédaction de l’accord et veiller à ce que chacun ait la même lecture tant des termes qui y sont utilisés que des mises en œuvre concrètes convenues ;
  • faire relire l’accord, ligne par ligne, par une personne peu au courant de l’affaire voire consulter des experts internes ou externes ;
  • s’assurer que l’accord est réalisable et, sauf à mettre à mal la confiance entre toutes les parties dont le personnel, le concrétiser.

Enfin, prévoir un processus d’ajustement permettra de régler ce qui aurait échappé à notre vigilance.

Article co-élaboré avec Evelyne Zabus et
publié initialement sous le titre « Les suites d’un accord boiteux »
dans L’Echo le 03/11/2011

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Au terme d’une négociation, le diable se cache dans les détails

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