Syndicats et référendum en entreprise

Au cours ou au terme d’une négociation sociale, l’employeur ou les organisations syndicales demandent parfois à consulter le personnel par référendum sur la question en négociation ou sur le projet d’accord. En quoi consiste le référendum et quels en sont les avantages ou inconvénients?

Comment se déroule une négociation sociale?

Lors d’un processus de négociation sociale, les négociateurs (mandataires) suivent en général le parcours suivant:

  1. information et consultation des personnes concernées (mandants);
  2. fixation des positions ou du cahier de revendications (mandat);
  3. négociation avec la ou les autres parties;
  4. retour vers les personnes qui ont donné le mandat;
  5. information des mandants sur le projet d’accord;
  6. vote;
  7. nouveau round de négociation ou signature de l’accord.

Vous trouverez ici d’autres articles sur la négociation sur ce site.

Les allers et retours entre les négociateurs et les personnes qui leur ont donné mandat pour faire le point sur l’évolution des négociations sont utiles.

Les représentants du personnel représentent plusieurs autres personnes, parfois des centaines, et ont reçu un mandat de celles-ci. Il est donc normal, légitime, sain, prudent pour toutes les parties qu’ils vérifient si le projet d’accord correspond aux attentes de «leur base».

Les négociateurs de l’entreprise, lorsqu’ils sont mandatés par d’autres personnes – propriétaire(s), actionnaire(s), groupe auquel appartient l’entreprise – procèdent d’ailleurs, en principe, de la même façon. En cours de négociation, ils retournent périodiquement vers les personnes qui leur ont donné un mandat pour les informer de l’évolution de la démarche et vérifier que le résultat correspond à leurs attentes.

Cette consultation est saine pour tous les intervenants et notamment, pour les représentants syndicaux, parce que cela conforte leur leadership. Dans le cas contraire, ils risquent de le perdre entièrement, auprès de leurs collègues ou auprès de la direction, ce qui n’est pas sans dangers pour leur mandat et pour l’entreprise.

Cette consultation est également saine pour l’entreprise parce que le projet d’accord aura un impact sur sa performance. S’il n’est pas soutenu par une majorité du personnel, il est préférable de le savoir tout de suite plutôt que d’en constater les dégâts plusieurs mois voire, plusieurs années plus tard.

Comment consultent les représentants du personnel?

Pour les représentants du personnel, la démarche la plus courante dans ce type de situation consiste à réunir leurs collègues en assemblée pour les informer et procéder à un vote. Selon la taille de l’entreprise, il peut y avoir plusieurs assemblées pour permettre à chacun d’y participer. Le vote pourra se faire « à main levée » ou à bulletin secret.

Dans ce type de contexte, le vote à main levée présente des risques qui peuvent être majorés dans ce processus. Ces risques sont, par exemple, la manipulation, l’intimidation ou la peur de s’exprimer de participants.

Les représentants du personnel peuvent également demander une consultation de leurs collègues par référendum.

En Belgique, ce type de consultation est peu utilisé et peu règlementé. A ma connaissance, quelques rares conventions collectives de travail (CCT) prévoient le recours au référendum lors d’une première demande d’installation de délégation syndicale pour vérifier la volonté du personnel en la matière.

Dans le cadre d’une négociation sociale, le recours à ce processus à la demande des organisations syndicales peut être motivé par des raisons que l’on pourrait répartir en deux catégories.

Des raisons pratiques:

  • étendue de l’entreprise;
  • répartition sur plusieurs sites, voire régions ou pays;
  • nombre de personnes à consulter;
  • dispersion du personnel;
  • organisation du travail en équipes successives;
  • etc.

Des raisons «politiques»:

  • blocage de la négociation;
  • volonté des représentants du personnel d’être tout à fait certains de rencontrer les attentes de leurs collègues;
  • remise en cause de leur leadership par l’employeur ou par une partie du personnel;
  • crainte de ne pas arriver à gérer des interventions dissidentes en assemblée;
  • donc, risque de contamination de celles-ci;
  • etc.

Il peut arriver qu’un employeur demande aussi la tenue d’un référendum parce que, par exemple, il pense que le personnel accepterait le contenu d’un accord auquel les organisations syndicales s’opposent.

Enfin, mieux vaut un accord de tous sur une démarche de référendum. Cela étant, il sera très difficile d’empêcher une ou plusieurs organisations syndicales d’organiser un référendum sans l’accord de l’employeur. Par contre, l’employeur qui tenterait de le faire sans l’accord des organisations syndicales s’exposerait à toutes sortes de réactions qui rendraient probablement le résultat de la consultation douteux, inutilisable.

Quels sont les avantages et inconvénients d’un référendum?

  • Le personnel peut apprécier positivement le fait d’être consulté et écouté (effet Hawthorne).
  • Le référendum validera l’accord … ou pas. Si l’accord n’est pas validé, il est intéressant de le savoir tout de suite pour rectifier cet accord ou sa communication ; sinon, le personnel va mal l’exécuter, en « trainant les pieds ». Il faudra du temps pour s’en rendre compte et, au final, il sera contre-productif.
  • Le référendum permettra de connaître la proportion de personnes « contre », ce qui permettra également d’apprécier le degré de succès de mise en œuvre du projet d’accord social.
  • Un référendum bien mené, en ayant un résultat anonyme, mais réparti aussi finement que possible par cellule d’activité et catégorie de personnes, permet de savoir dans quel(s) groupe(s) il passe mal. Il restera alors à examiner les mesures éventuelles à prendre : ignorer, mieux communiquer, adapter l’accord, etc.
  • Si le référendum valide l’accord, il va conforter la direction et les délégués syndicaux dans leur rôle respectif.

Quelles sont les questions techniques à traiter?

Pour l’optimaliser, le référendum doit être réalisé en concertation avec les représentants du personnel et la direction. Celle-ci doit notamment veiller à la forme et au contenu du texte. Par ailleurs, pour en exploiter au maximum les enseignements potentiels, il convient d’organiser le processus pour que ses résultats, bien sûr anonymes, puissent être aussi détaillés que possible.

Quelques aspects techniques devront également être fixés. Citons, sans être exhaustif:

  • qui va voter;
  • sur quelle plage horaire les personnes pourront voter;
  • comment le personnel va être informé des éléments de la consultation et du processus;
  • qui va assurer le processus et qu’il soit correct;
  • quels seront les pourcentages pris en compte pour valider l’accord, 51/49, 61/39, autre.

Enfin, que ce soit d’une façon générale ou dans ce type de situation, la communication doit être mise en œuvre par l’entreprise.

Last but not least

Le recours à référendum ne rend pas inutiles les mandats des représentants du personnel, il leur permet d’affiner leurs positions dans l’intérêt de toutes les parties.

Enfin, le référendum constitue également une forme de consultation démocratique, de participation aux prises de décisions, qui correspond aux attentes sociétales d’aujourd’hui.

« Il faut savoir perdre du temps pour en gagner »
Jean-Jacques Rousseau

Article dont une synthèse a été publiée dans L’Echo le 03/08/2017

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