Le climat social

Le climat social est une expression qui renvoie à la météo et comme celle-ci, les entreprises vivent des périodes de troubles ou de calme social. Passé cette comparaison, la définition du Larousse en est la suivante : « Ensemble de circonstances dans lesquelles on vit, ambiance » ou pour le Petit Robert : « Atmosphère morale, conditions de la vie » et là aussi « ambiance ». L’une et l’autre renvoient donc à des conceptions subjectives que l’on retrouve par ailleurs dans les expressions qui la qualifient : un climat tendu, un climat calme,… « Le climat, dans une première approche, c’est donc un ensemble d’impressions, quelque chose de ressenti »[1] individuellement ou collectivement.

J.M. Fourgous et B. Iturralde définissent le climat social comme « un ensemble de caractéristiques objectives et relativement permanentes de l’organisation, perçues par les individus appartenant à l’organisation, qui servent à lui donner une certaine personnalité et qui influencent le comportement et les attitudes de ses membres »[2].

Il s’agit donc de la perception qu’ont les individus appartenant à une structure, ou à une de ses parties, de l’état des relations entre eux. Celles-ci résultent des caractéristiques de leur environnement inhérentes :

  • à l’entreprise par son histoire, son évolution et les éventuels accidents de parcours, son contexte – économique, social et politique -, la répartition du pouvoir de décision, la politique de rémunération et de promotion, la nature du travail, les conditions matérielles dans lesquelles il s’effectue,…
  • aux individus par leur personnalité, la structure démographique du groupe, l’existence ou non de traditions industrielles (conservatisme), leur métier et la reconnaissance qui y est accordée (corporatisme), le degré et la répartition des qualifications, leurs possibilités de mobilité interne ou externe, la proportion de cadres, l’expression et l’action individuelle ou collective,…
  • à l’implantation syndicale présente depuis longtemps par tradition ou plus récemment par réaction, son degré d’acceptation par la direction et la qualité de leurs relations, la répartition de leur influence dans l’entreprise et entre organisations,…

L’objectif de l’analyse du climat social est de chercher à comprendre ce qui se passe et non pas de juger ou d’en déduire une norme : le « climat social idéal ». En effet, si l’évaluation qu’en font les individus en fonction de leurs besoins et de leurs attentes détermine leur niveau de satisfaction, il n’y a cependant pas de lien automatique avec la productivité et ce, sur base de la théorie de la contingence[3].

Néanmoins, le climat à l’intérieur d’une organisation, basé sur un grand nombre de facteurs lointains, historiques, a un certain caractère de permanence qui pourra être exacerbé par des événements fortuits. Sa compréhension constitue une aide à la prévention des conflits mais aussi à la création des conditions propices à la motivation des individus par la connaissance de leurs besoins, aspirations et attentes.

Son évaluation

L’appréciation du climat social, constitué pour l’essentiel de perceptions – subjectivité de celui qui répond à l’analyse et de celui qui en rend compte -, « relève de l’empathie et de l’intuition beaucoup plus que d’une science exacte »[4]. Mais celle-ci peut être partiellement complétée, objectivée et tant la situation que l’évolution du climat peuvent être suivies au travers de différentes sources d’informations. De la plus simple à la plus élaborée, nous avons à notre disposition : les données statistiques, les enquêtes d’opinion et les observatoires sociaux.

Dans un certain nombre de domaines, les données externes à l’entreprise permettent de situer celle-ci par rapport aux moyennes nationales, (sous-)régionales ou encore professionnelles : les statistiques relatives à l’évolution de l’emploi et sa structure, l’évolution des salaires, la présence syndicale, les publications syndicales,… En interne, un certain nombre d’indicateurs propres sont pertinents : l’évolution de l’absentéisme, du turn-over, de l’influence des syndicats et de leurs positions, des conflits, de la qualité,… Cette vision sera affinée par l’analyse des éventuels tracts ou écrits syndicaux, de l’évolution des cahiers de revendications, du nombre de thèmes portés à l’ordre du jour des différentes instances, de leur nature et de la façon dont ils sont traités,…

Les enquêtes d’opinion ou de climat social permettent d’en mesurer le niveau soit périodiquement (tous les ans ou deux ans), soit à l’occasion d’événements importants lors desquels il importe de suivre les réactions du personnel. Elles sont le plus souvent assurées par des organismes extérieurs parce que ces derniers maîtrisent les techniques d’enquêtes mais aussi parce qu’une confidentialité des réponses et de leur traitement relativise la méfiance de ceux qui sont amenés à émettre une opinion. D’ordre quantitatif, elles permettent de suivre l’évolution des perceptions par thèmes concrets et par catégorie de salariés : salaires, moyens de communications,… ou d’ordre qualitatif, elles permettent une compréhension plus fine des réactions du personnel aux initiatives de la direction.

Outre le fait de constituer une aide à la décision lors de choix à opérer[5], ce type de démarche mené régulièrement induit un effet « Hawthorne » parce que le fait même de mesurer traduit une préoccupation du facteur humain à travers l’écoute des salariés. Enfin, au nombre des contraintes auxquelles il faudra faire face pour être efficace dans ce domaine, je retiendrais notamment : un consensus préalable sur les objectifs, la confidentialité dans le traitement des données mais la transparence sur la démarche, la nécessité de gérer les attentes ainsi exprimées qui va jusqu’à expliquer ce qui est possible, ce qui ne l’est pas et pourquoi.

Enfin, autre possibilité d’examen, l’observatoire social, système mis en place dans de très grandes entreprises, ne sera abordé ici que pour mémoire. Il est constitué d’un maillage organisé, d’un réseau de capteurs, responsables hiérarchiques ou autres, dont les observations font l’objet de synthèses régulières à l’attention de la direction générale.

L’analyse du climat social, par quelque moyen que ce soit, constitue une aide à la conduite des relations sociales et notamment des négociations sociales.

 

[1] J.M. Fourgous et B. Iturralde pg 42

[2] Op. cit. pg 43

[3] La contingence (contingency theory) recommande, en réponse à la complexité tant interne qu’externe, de ne voir dans les objectifs intermédiaires, dans le style de management, dans les structures, dans les formes d’organisation qu’une solution valable dans des circonstances données et pas nécessairement reproductible. Si le contexte se modifie, alors d’autres dispositions deviennent nécessaires pour conserver l’efficacité antérieure.

[4] D. Labbé et H. Landier pg 75

[5] Traduction dans les conventions collective de travail des résultats d’une enquête annuelle de satisfaction chez Interbrew, Trends Tendances 19/06/2003

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